Sur Fighters, un concours sur les avions de reconnaissance vient de commencer, et je vais vous en faire profiter.
J'ai choisi de monter un jet, le McDonnell F2H Banshee. La version de reconnaissance est le F2H-2P, issue de la version de chasse par suppression des armes de bord et installation des équipements de reconnaissance dans un nez allongé. On voit bien la différence avec la version de chasse sur la photographie ci-dessous, prise en Corée : au premier plan, la version de reconnaissance, au second plan la version de chasse.
Joli nez qui ne déforme pas trop l’avion, non ?
Ah ! non ! c’est un peu court, jeune homme !
On pouvait dire… Oh ! Dieu ! … bien des choses en somme…
En variant le ton, – par exemple, tenez :
Agressif : « Moi, monsieur, si j’avais un tel nez,
Il faudrait sur-le-champ que je me l’amputasse ! »
Amical : « Mais il doit tremper dans votre tasse
Pour boire, faites-vous fabriquer un hanap ! »
Descriptif : « C’est un roc ! … c’est un pic ! … c’est un cap !
Que dis-je, c’est un cap ? … C’est une péninsule ! »
Edmond Rostand, ‘Cyrano de Bergerac’.
J’adore toute la tirade, un monument de notre littérature. Si vous voulez (re)lire l’intégralité de la tirade, voici le lien : La tirade du nez, Cyrano de Bergerac - Libre Théâtre (libretheatre.fr)
Le nez le plus célèbre de l’histoire est celui de Cléopâtre. Blaise Pascal a dit : « Si le nez de Cléopâtre eût été plus court, toute la face du monde aurait changé ». Même Panoramix est tombé sous le charme du nez royal.
Pinocchio aussi avait un nez particulier, qui s’allongeait à chaque mensonge.
Pourquoi je vous parle du nez en préambule d’un post consacré au montage d’un avion de reconnaissance ? Tout simplement parce que sur les avions dont la cellule n’était pas au départ prévue pour ce type de mission, les composants utilisés pour la reconnaissance sont logés très souvent dans le nez. Sur un monomoteur à hélice, il est évident que le nez n’est pas le meilleur endroit pour y monter des appareils de prise de vue. Sur un bombardier, à hélice ou à réaction, vu la taille de l’engin, il y a de la place pour en mettre où on souhaite. Mais sur un jet de taille modeste, le nez est un excellent endroit : dans le nez, la vue est dégagée vers l’avant, sur les côtés et en-dessous. Passons en revue quelques-uns de ces jets. Attention, la liste n’est certainement pas exhaustive.
Ecartons tout d’abord les contre-exemples. Car comme dans la langue française, il y a la règle et les exceptions suivent très vite (les noms qui se terminent par ‘ou’ au singulier prennent un ‘s’ au pluriel, sauf bijou, caillou, chou, genou, hibou, joujou et pou qui prennent un ‘x’ ; cela ne vous rappelle rien ? ).
Le North-American RA-5C Vigilante, conçu à partir de la version de bombardement, emportait ses instruments dans une nacelle placée sous son large fuselage.
Sur le Vought F-8 Crusader, il n’était pas possible de loger les caméras dans le nez, il y avait déjà l’entrée d’air, il aurait donc fallu modifier profondément la cellule. Aussi, les caméras furent installées sous et sur les côtés du fuselage, en arrière du logement du train avant.
Quand l’US Navy se trouva fort dépourvu lorsque l’hiver fut venu, heu, pardon, lorsque l’heure de mettre à la retraite les RA-5C et RF-8A/G fut venue, Grumman mis au point une nacelle, le TARPS (Tactical Air Reconnaissance Pod System), destinée à être montée sous le fuselage de certains F-14A, ainsi qur sur les F-14B et F-14D, dans la zone habituellement réservée au montage des deux AIM-54 Phoenix de l’arrière. Pas question de modifier le nez du Tomcat, il fallait impérativement garder le radar Hughes AN/AWG 9 pour que le F-14 conserve toutes ses capacités d’interception à longue distance.
Côté français, le Dassault Rafale peut mettre en œuvre la nacelle Reco NG. On la voit sur la photographie ci-dessous sous le fuselage, en position centrale.
L’implantation dans le nez des équipements de reconnaissance reste la solution la plus courante. La cellule est plus ou moins modifiée : le nez est souvent allongé, parfois un peu déformé afin d’y loger les appareils de prise de vue. Voici quelques exemples, cités par ordre alphabétique.
Dassault Etendard
Dassault Mirage III
Grumman F9F Panther
Lockheed F-80 Shooting Star
McDonnell F-101 Voodoo
McDonnell Douglas F-4 Phantom II
Mikoyan-Gourevitch Mig-25
Republic F-84 Thunderjet
Sur ces avions, la greffe est esthétiquement réussie. Mais j’ai deux exemples pour lesquels la greffe est moins réussie visuellement parlant.
Grumman F9F Cougar
IAI Kfir
Revenons maintenant au Banshee. Le F2H n’est pas la première réalisation de McDonnell dans le domaine des jets embarqués. Il fut précédé par le FH Phantom qui fut le premier jet à apponter sur le pont d’un porte-avions américain et le premier jet à être déclaré opérationnel au sein de l’US Navy et de l’US Marine Corps. Il effectua son premier vol en janvier 1945 et même s’il ne fut construit qu’à 62 exemplaires, livrés à partir de 1947, ce biréacteur joua un rôle pionnier dans la mise au point des procédures d’opérations des jets embarqués. Voici trois clichés présentant des FH Phantom.
Avant même que le Phantom n’entre en production, McDonnell plancha sur un successeur mieux armé, doté d’une autonomie plus importante et équipé de réacteurs plus puissants. Si au départ McDonnell pensait réaliser un avion très proche du Phantom, le résultat fut un zinc entièrement nouveau, plus grand et plus lourd, dont le prototype réalisa son vol inaugural en janvier 1947 depuis Saint-Louis, dans le Missouri.
Le Banshee commença à entrer en service à la fin des années quarante, participa à la guerre de Corée puis fut progressivement retiré des unités de première ligne au fur et à mesure que des avions plus modernes entraient en service, comme le Grumman F9F Cougar, le Douglas F4D Skyray ou le McDonnell F3H Demon.
Attention, Banshee à l’appontage sur l’USS Oriskany, chaud devant !!!
Zut, celui-ci s’est trompé de porte-avions.
Près de 900 exemplaires du Banshee sortirent des lignes d’assemblage, un peu moins que l’autre jet qui peupla les ponts des porte-avions américains à la même époque, le Grumman F9F Panther, qui fut construit à près de 1400 exemplaires. Voici les différentes versions construites en série du Banshee :
- F2H-1 : fuselage allongé par rapport au prototype, 56 exemplaires,
- F2H-2 : principale version construite à 308 exemplaires, avec réservoirs largables en bout d’aile,
- F2H-3 : fuselage encore allongé, queue redessinée, 250 exemplaires,
- F2H-4 : version améliorée du F2H-3 produite à 150 exemplaires,
- F2H-2B : chasseur-bombardier pouvant emporter une arme nucléaire, 25 exemplaires,
- F2H-2N : chasser de nuit construit à seulement 14 exemplaires,
- F2H-2P : version de reconnaissance, 89 exemplaires, sujet de ce montage.
L’US Navy et l’US Marine Corps utilisèrent des Banshee dans les années cinquante, et il connut l’épreuve du feu lors de la guerre de Corée.
Voici des F2H-1 ou F2H-2.
Voici des F2H-3 ou F2H-4 : les lignes sont bien différentes.
La NACA, ancêtre de la NASA, utilisa un F2H-2B pour mener des recherches sur les missiles et sur la réduction des bruits émis par les avions à réaction.
Le seul utilisateur étranger du F2H fut le Canada. En 1961, la Royal Canadian Navy émit le souhait d’acquérir 60 Banshee, mais le temps que le budget soit approuvé par les autorités politiques, la production de l’appareil avait cessé et la marine canadienne n’eut pas d’autre choix que d’acheter 39 F2H-3 d’occasion à l’US Navy. Ces appareils équipèrent entre autre les flottilles du HMCS Bonaventure.
Par rapport aux versions de chasse, la version de reconnaissance F2H-2P ne disposait d’aucun armement, six caméras ayant été installées dans un nez allongé.
Les chaînes d’assemblage livrèrent 89 exemplaires de cette version à la Navy et aux Marines, qui les utilisèrent notamment lors du conflit coréen où le Banshee se montra être une excellente plateforme photographique. Les F2H-2P devaient quand même être accompagnés par d’autres avions pour leur protection rapprochée, l’avion étant dépourvu de tout armement. Nous avons ici un Banshee de reconnaissance escorté par un Banshee de chasse en vol au-dessus de la Corée.
Voici maintenant deux photographies qui permettent de comparer le Banshee aux autres productions navales de McDonnell. Nous avons tout d’abord un Banshee avec son prédécesseur, le Phantom, puis un Banshee avec ces successeurs, le Demon et le Phantom II.
Si vous voulez admirez des Banshee, pas de problème, plusieurs exemplaires sont conservés, mais il va falloir traverser l’Atlantique.
Rendez-vous au Texas, à Corpus Christi, sur le porte-avions USS Lexington aujourd’hui aménagé en musée.
Vous pouvez aussi aller en Floride au National Naval Aviation de Pensacola.
Si vous préférez le Canada, un Banshee se trouve au Canada Aviation and Space Museum d’Ottawa.
Le kit que j’ai choisi est celui de Sword, voici le boxart.
Je me suis procuré cette boîte auprès d'un membre de Fighters, merci à lui
L’avion sera aux couleurs du VC-61 ‘Eyes of the fleet’, dont un détachement de quelques appareils opéra depuis l’USS Yorktown dans le Pacifique et au large de la Corée lors d’une croisière démarrée en 1953 et terminée en 1954.
Mais au fait, que signifie le mot ‘Banshee’ ? Une banshee est une créature féminine de la mythologie celtique irlandaise. C’est une magicienne ou une messagère de l’Au-delà.
Banshee, Phantom, Demon, Voodoo, Goblin, la firme McDonnell trouvait dans le fantastique son inspiration pour baptiser ses réalisations.
A bientôt
Dernière édition par Jasper Joker II le Dim 18 Fév 2024 - 21:53, édité 1 fois