[Dragon (Base Ar 234 B)] Arado Ar 234 V7

La météo est parfaite et, d'après les renseignements recueillis et recoupés, le scenario de la mission est le suivant : l'Arado Ar 234 V7, WNr 130007, codé T9+MH, est sorti de son alvéole-abri, un parmi les quelques-uns le long de la RN 44 qui sert de piste aux Arado. L'avion est le nez tourné vers le nord-ouest, avec le pilote en place, sanglé, après la lecture de la "check-list" et les différents contrôle de la préparation au vol effectués. Après le démarrage des moteurs, Erich Sommer met les gaz. Il est exactement 16h00 (Heure du MEZ, Mittel-Europäische Zeit, temps moyen européen. À cette époque, l'heure GMT est 14h00). À l'issue d'un parcours de 200 mètres sur la seule poussée des réacteurs, les fusées d'aide au décollage sont allumées, donnant à l'avion un gain de poussée formidable qui le fait franchement décoller ; il quitte le sol, se détache de con chariot qui sera freiné dans sa course par son parachute-frein, et, à 65 m d'altitude environ, les fusées, épuisées, sont larguées à leur tour. Erich Sommer entame un large virage à gauche, cap à l'ouest, puis la montée continue en droite ligne. Au bout de vingt-cinq minutes, il atteint le premier point de repère et il se trouve alors à une altitude de 11 500 mètres au-dessus de Montebourg, dans le Cotentin, à 375 km de son point de départ. Il engage maintenant, à 16h25, un virage à 180° vers la gauche pour se retrouver en direction de Carentan et suivre une trajectoire parallèle à la précédente. Il prend du "badin" pendant sa descente à 11 000 mètres et stabilise sa vitesse à 740 km/h. Les deux appareils photo commencent à fonctionner à raison d'un déclenchement toutes les onze secondes pour un recoupement des vues à 60%, ce qui est courant. Inclinés à 12° de part et d'autre de l'axe vertical de l'avion, ils sont équipés chacun d'un objectif de 500 mm de distance focale, couvrent une bande d'environ 11,750 km de largeur. Erich Sommer survole Arromanches exactement à 16h32. Après quelque 150 km parcourus vers l'est, le pilote engage un demi-tour vers la droite, incliné à 40° sous un facteur de charge de 1,30, se retrouvant cap à l'ouest au bout de 77 secondes. Il est maintenant 16h39, à une poignée de secondes près. Il entame le seconde bande parallèle à la précédente, à 10 km en retrait sur le continent. Encore 150 km, puis, après un nouveau 180°, cette fois au sud du Cotentin, vient le tour de la troisième et dernière bande, à nouveau cap à l'est. Il est à peu près 17h07 quand, cinquante-cinq minutes environ après le début de la mission, la dernière des 190 prises de vues (380 photos) est "dans la boite". Erich Sommer vient d'accomplir en un temps record la couverture de près de 4 900 km², en passant totalement inaperçu. Sans changer de cap, ou très peu, il ne lui reste plus que 230 à 250 km à parcourir, frôlant les 900 km/h, pour se poser à Juvincourt, à mi-chemin entre Laon et Reims, le long de la RN 44.
Note : Le trajet décrit est le plus facilement restituable, mais, selon le témoignage de Erich Sommer en personne, il est plus que probable qu'il ait également survolé Mortain, où se préparait la contre-offensive allemande (Opération "Liège", en allemand "Unternehmen Lüttich) visant les forces alliées qui ont percé à Avranches, le 31 juillet précédent.

Bilan des missions aériennes
Un rapport du 13 septembre 1944 donne 31 vols pour les Hecht V5 (perdu le 28.08.44) et V7, dont 14 vols de guerre, le restant se répartissant en vols d'essais, d'instruction et de transport, totalisant 22 heures pour le V5 et 24 pour le V7, "sans accident notable". Du 22 octobre au 8 novembre, on comptabilise en opérations (Einsätze) :
-- V7 : 15 missions en 22 heures de vol,
-- 112 : 15 missions en 21 heures 16 minutes,
-- 151 : 3 missions en 1 heure 58 minutes,
-- 153 : 6 missions en 10 heures 39 minutes,
-- 154 : 6 missions en 10 heures 55 minutes.
Avec un nombre moyen de six avions opérationnels, les missions photographiques continuent au-dessus de la France, de la Hollande, de la Belgique, mais aussi au-dessus de la Grande-Bretagne, comme cette sortie du 5 octobre 1944 qui permet de photographier la Home Fleet au large des côtes du Norfolk et du Lincolnshire.
Le 1er novembre, l'Ar 234 V7 est endommagé à la suite de l'effacement d'une contre-fiche de patin. Il est envoyé à Oranienburg pour y être réparé, mais il est retiré finalement du service.